AIX EN PROVENCETRAIL

La Barkley : « imagine la course la plus dure que tu pourrais faire, c’est pire ! »

Julien Chable nous partage son incroyable récit de course sur le trail le plus mythique de la planète

Il est arrivé de la Nouvelle Calédonie et a rejoint le club cette saison avec un palmarès déjà bien rempli et quelques ultra trails à son actif. Il a eu la chance de sa vie de trailer de faire partie des 40 élus sélectionnés par le créateur de la Barkley, qui se sont présentés le 18 mars dernier sur la « yellow gate », fameuse barrière de départ de la course (voir ci-dessous). Il fera partie des 9 rescapés de la première boucle aux côtés de John Kelly, finisseur de la Barkley à 3 reprises. Mais cette année, personne n’est allé plus loin que la 3ème boucle.

Pénétrer dans l’ambiance de Frozen Head

A travers ses montées et ses descentes sans fin, son terrain hostile et son horloge qui ne cesse de tourner, la Barkley est une course à part. Pas de médaille ni de t-shirt, juste une satisfaction avant tout personnelle d’avoir tout donné à la course, d’en avoir respecté les codes, les règles et l’esprit. Le repérage quelques jours avant, afin de comprendre la topologie du terrain, m’a été indispensable pendant la course.
Hébergés dans un van la veille du départ avec mon assistant Peyo Alar (alias le pink trailer), nous attendons que Laz ouvre les inscriptions et nous remette la carte des parcours que nous allons découvrir. Cette année ce sera encore plus difficile, avec environ 40km en hors sentier et 4 500m de dénivelé par boucle, un parcours presque impossible à terminer, c’est ça avant tout la Barkley.
C’est le moment où le recopiage de votre carte conditionne vos chances de succès. Il faut être des plus précis dans les points, le choix des chemins selon le terrain, les azimuts à prendre dans un sens et dans l’autre (pour la boucle 3) en suivant bien le roadbook de la course.
La conque retentit à 10h37 pour un départ à 11h37. Je m’équipe et je vais chercher la montre fournie par l’organisation qui indique l’heure … de la Barkley (00:00).

Loop 1

Je me lance avec les 40 participants vers la première montée, le ton est donné : pentu et sauvage. Récupération de la première page, un moment marquant, puis les coureurs et les groupes s’étirent. Les crampes survenues dès le 4ème livre, m’obligent à intensifier mon alimentation et mon hydratation et avec un strap, ca tient le coup.
L’entraide entre les coureurs joue un rôle important et des moments forts rythment la course : la Fire Tower, Rat Jaw, la traversée de la prison glaciale, Indian Knob, jusqu’au seizième livre. S’en suit une course contre la montre pour ne pas rater le cutoff : 11 km à parcourir de nuit en moins de 49 minutes. La panique s’installe, je redouble d’effort, pas le temps de boire ni de manger, j’utilise mes bâtons comme un forcené. Au moment où je touche la barrière, il me reste 2 minutes et 1 minute 30 pour me ravitailler et repartir pour la seconde boucle, ce sera a priori le ravitaillement le plus court de la Barkley mais le rêve continue !

Loop 2

La perte de mes compagnons de route arrivés hors délai, me met un coup au moral. Mais seul dans la nuit, l’envie d’aller jusqu’au bout quoi qu’il arrive et de mériter la confiance de tout ceux qui m’ont soutenu, me remotive. Première page récupérée, suivie d’une erreur de navigation qui va s’avérer fatale. Malgré la localisation des livres suivants et une volonté intacte, l’épuisement physique et la perspective de l’objectif qui devient inaccessible, aux premières lueurs du jour, le cœur lourd, je décide d’en rester là.

10 000 m de D+ par semaine pour préparer la Barkley

Encadré par Olivier, de l’équipe de coachs de la Section Trail, Julien a suivi pendant 2 mois une préparation où l’objectif n’est pas la rapidité mais où il faut savoir monter fort et descendre vite sur terrain accidenté. Il faut aussi s’entraîner à l’orientation, tracer des azimuts à travers les paysages pour maîtriser l’utilisation de la carte/boussole en courant car la Barkley n’est pas une course d’orientation, c’est une course orientée où il est impossible de finir dans les temps si on ne trouve pas du premier coup les livres planqués au milieu de nulle part. Au niveau alimentation, la dose à assimiler se situe aux alentours de 3 000 calories par tour…

Un plan tenu entre 6000 et 10 000m de D+ par semaine, qu’il a fallu adapter à son contexte familial avec l’arrivée de son second fils à quelques semaines du départ, un excellent carburant pour alimenter ses ressources mentales !

Impitoyable et déjantée, la Barkley n’est pas une course, c’est un voyage intérieur

La Barkley, c’est une aventure où chaque pas est une lutte contre soi-même et contre les éléments. Elle nous pousse à explorer nos limites La difficulté devient une alliée précieuse, une source d’évolution et de révélation.
Parcourir les sentiers impitoyables de Frozen Head, se perdre dans l’obscurité pour retrouver son chemin, voilà autant de métaphores de notre existence. Chaque montée abrupte, chaque descente vertigineuse, rappelle que la vie est faite de défis à relever, de moments de doute à surmonter et de victoires personnelles à célébrer. Elle nous apprend à apprécier les instants de répit, à savourer les petites victoires et à accepter les échecs comme des étapes nécessaires à notre évolution.
La philosophie de cette course, brutale mais merveilleuse, nous rappelle que chaque souffrance, chaque dépassement de soi, forge notre caractère et enrichit notre expérience.
Les rencontres humaines, elles aussi, ont été d’une richesse inestimable. Dans la solidarité des coureurs, dans le soutien des équipes, on découvre des compagnonnages authentiques et des liens indéfectibles. Ces personnes extraordinaires, qui partagent la même passion et la même détermination, deviennent des sources d’inspiration et des compagnons de route précieux.
La Barkley est un peu comme une école de vie, un voyage intérieur où l’on apprend à se connaître, à découvrir ses forces et ses faiblesses, à grandir en tant qu’être humain. C’est une aventure qui laisse des marques indélébiles, des souvenirs impérissables et une gratitude profonde pour tous ceux qui ont été présents dans cette quête.

Un bel ouvrage à lire pour s’immerger dans la Barkley : « Les finisseurs » d’Alexis Berg et Aurélien Delfosse

La Barkley, retour aux sources du trail

  • Création : 1987 par Lazarus Lake
  • Lieu : la forêt froide et inhospitalière de Frozen Head – Tennessee USA
  • Participants : 40 par édition
  • Finishers : 20 depuis 1987
  • Prix du dossard : 1$60 (Laz ne rend pas la monnaie)
  • Défi : ultra trail de 5 boucles de 20 miles (32 à 40 km selon les années), 20000 m D+ hors sentier, sans balisage, barrière horaire de 12 h par boucle soit moins de 60 heures pour être finisher.
  • Principe : plusieurs livres sont disposés sur chaque boucle, il faut en ramener une page de chaque comme preuve de son passage sur l’itinéraire.
  • Equipement : carte et boussole (montre GPS et téléphone interdits)
  • Départ de la course : Les concurrents sont prévenus une heure avant grâce à l’alerte de la conque, ce mollusque dans lequel un bénévole souffle pour signifier aux trailers qu’il est temps de rejoindre la « yellow gate ». Le départ est donné après que Lazarus Lake a allumé sa cigarette.
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